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Aberrantes Diatomées

sculptures

matériaux divers

formats divers

2016

Les assemblages de Geneviève Duris sont à l'échelle d'une main et pourraient être tenus par les doigts. Il y a toujours un moment où, les détachant du mur, de l'étagère ou du présentoir, on aurait envie de s'en saisir comme un bijou offert par le vivant et s'animant comme un insecte. Ils ne sont pas générés par des dessins ou des collages, pratiques initiales et constantes de Geneviève Duris, mais ils gardent quelque chose de leur définition : brindilles, fils électriques et passementerie, proposent souvent une ligne, écheveau ou contour, pour suggérer une figure. Nous pourrions identifier l'endosquelette en silicate d'une diatomée, la cristallographie d'un flocon de neige, la trajectoire d'une mouche non euclidienne, si l'infiniment petit était désigné comme modèle possible.

En réalité, il n'y a pas de figure. Ce sont les matériaux et non pas les images qui guident et conduisent l'élaboration. C'est de leur assemblage sous le mode des contrastes de densités et de provenances que naissent ces corps singuliers. Les matériaux appartiennent au fond de la poche, à la boîte de couture, à l'environnement quotidien, à la rue: des bouts d'objets, des fragments choisis pour leur texture ou leur couleur. L'ensemble n'engloutit pas les bouts. Il ne confond pas les restes ni n'homogénéise le disparate. Au contraire, il laisse apparaître les points de contact, les jointures. Ce sont toujours les attaches qui sont fragiles et les matériaux accointés laissent voir la discontinuité de leur articulation, ce qui rend l'assemblage comme suspendu.

Ces sculptures de poche ou de voyage, sans prise au sol, poids, centre de gravité, n'ont pas de place assignée. Elles pourraient être bougées, passer du mur au sol, de la verticale à l'horizontale. On regarde certaines comme des parures à la recherche d'un corps et demandant à être portées. Elles vont de la sculpture à l'objet par leur parenté avec des ornements ethnographiques pour un cabinet des curiosités contemporain. A la mesure des graminées, de la cosse, du châton, ce sont des coiffes, des insignes. Et c'est sans doute aussi d'une réflexion à propos des arts appliqués que ces sculptures procèdent, comme d'une autre sur les métiers dits féminins, de la modiste à la rosière. Cependant, s'il y a méticulosité, le luxe est en trompe-l'œil. Le pauvre et le brut voisinent avec le raffinement des textures et de la couleur. Le peu équilibre le faste minuscule. Il nous montre le geste, nouer, dévider, tresser, et surtout il ouvre la sculpture vers l'abstraction, vers le dessin qui la tient et lui donne sa dynamique : spirales, gribouillis, résilles, mandalas, rosaces.

Frédéric Valabrègue, 2017.

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